Page:Voragine - Légende dorée.djvu/665

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un agneau et un cierge. Après quoi, rentrée au palais, elle donnait à une pauvre femme la robe qui lui avait servi pour la cérémonie. C’est également par humilité que, avec le consentement de son mari, et réserve faite des droits conjugaux, elle prêta vœu d’obéissance à maître Conrad, le tenant pour son supérieur en science et en religion. Et un jour, comme Conrad l’appelait à une prédication, une visite survint qui l’empêcha d’obéir : ce dont le savant homme fut si irrité qu’il refusa de lui pardonner sa désobéissance jusqu’au moment où, l’ayant fait mettre en chemise, il l’eût vu battre de verges en compagnie de celles de ses servantes qui l’avaient encouragée à désobéir.

Elle s’imposait une abstinence si rigoureuse qu’elle macérait son corps par les veilles, les jeunes et les disciplines. Dès que son mari était absent, elle passait les nuits en prière. Et telle était sa tempérance dans le boire et le manger que, souvent, à la table somptueuse de son mari, elle se contentait de pain sec. Elle finit même par s’abstenir tout à fait, sur l’ordre de maître Conrad, de toucher à aucun des mets que mangeait son mari. Ce qui ne l’empêchait point de s’asseoir à table, de servir les convives et de les égayer par son urbanité, tout en cachant avec soin sa propre abstinence. Et son mari supportait tout cela avec patience, affirmant qu’il suivrait lui-même volontiers l’exemple de sa femme s’il ne craignait de mettre en émoi toute sa famille.

Mais autant elle aimait les privations pour soi, autant elle était généreuse pour les pauvres. Elle subvenait à leurs besoins avec tant de largesse que tous l’appelaient la mère des pauvres. Elle habillait de ses propres mains ceux qui étaient nus, elle ensevelissait les mendiants et les pèlerins, elle présentait les enfants aux fonts baptismaux, après leur avoir elle-même cousu leurs langes. Un jour, elle donna à une mendiante une robe si belle que la pauvre femme, dans l’excès de sa joie, s’évanouit et tomba inanimée. Ce que voyant, Élisabeth se repentit amèrement ; mais elle pria pour la morte, et aussitôt celle-ci se releva guérie. Souvent