Page:Voragine - Légende dorée.djvu/671

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d’avancer dans leur fuite, durent revenir sur leurs pas, et se jeter aux pieds de sainte Élisabeth. Et celle-ci, après les avoir grondés justement de leur ingratitude, leur rendit l’enfant à nourrir et les pourvut du nécessaire.

Ainsi approcha le temps où le Seigneur s’apprêta à rappeler à lui sa chère servante, pour l’admettre à la contemplation du royaume des anges. Alitée avec la fièvre, et la face tournée contre le mur, les assistantes entendirent une douce mélodie sortir de ses lèvres. Et comme une de ses compagnes l’interrogeait, elle répondit : « Un petit oiseau, s’étant posé entre moi et le mur, chantait, avec tant de douceur, que je n’ai pu m’empêcher de chanter avec lui. » Jusqu’aux plus cruels moments de sa maladie, jamais elle ne perdit sa gaîté, et jamais elle ne se relâcha de prier. La veille de sa mort, elle dit : « Voici qu’approche minuit, l’heure où le Christ a voulu naître et reposer dans une étable ! » Et lorsque déjà l’heure de sa mort fut toute proche, elle dit : « Voici venir l’instant où Dieu a appelé ses amis aux noces célestes ! » Et elle s’endormit dans le Seigneur, en l’an de grâce 1226.

Pendant les quatre jours qui précédèrent son inhumation, aucune mauvaise odeur ne se dégagea de son corps, mais, au contraire, un parfum s’en exhala qui réconfortait tous les cœurs. Et, le jour de ses obsèques, on vit sur l’église une foule d’oiseaux que personne jamais n’avait vus auparavant, et qui paraissaient célébrer les funérailles de la sainte, tant leurs chants étaient doux, mesurés et savants. Et il y eut là une abondante clameur des pauvres, une extrême piété du peuple. Les uns s’arrachaient les cheveux de désespoir, d’autre s’efforçaient de dérober une parcelle du linceul de la sainte, afin de la garder comme la plus belle relique. Et l’on découvrit, peu de temps après, que le monument où l’on avait déposé le corps de sainte Élisabeth s’était miraculeusement rempli d’une huile parfumée.