Page:Voragine - Légende dorée.djvu/698

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de fureur, car il y voyait la preuve de la trahison du ministre. Mais il se contint et ne répondit rien. Sur quoi le ministre, tout confus de cet accueil, alla raconter la chose au mendiant qu’il avait recueilli. Et celui-ci, en véritable « médecin des paroles », lui dit : « Le roi te soupçonne de vouloir le détrôner. Lève-toi vite, coupe tes cheveux, revêts un cilice, et va chez le roi. Et quand il te demandera ce que cela signifie, tu lui répondras que tu es prêt à le suivre dans son monastère, voulant partager ses privations comme tu as partagé sa prospérité ! » Le ministre fit ainsi, et le roi, après avoir puni les dénonciateurs, l’éleva encore à de plus hautes dignités.

Cependant, le prince Josaphat était parvenu à l’âge adulte. Étonné de ce que son père le tînt enfermé, il interrogeait là-dessus son serviteur favori, ajoutant que cette défense de sortir lui ôtait le goût de manger et de boire. Le roi, informé de cela, lui fit donner des chevaux et lui permit de sortir dans la campagne, à la condition qu’une escorte le précédât pour écarter de ses yeux tout spectacle attristant. Or Josaphat, dans une de ses promenades, rencontra un lépreux et un aveugle. Stupéfait, il demanda ce que c’était. Et ses compagnons : « Ce sont là des maux qui arrivent aux hommes ! » Et lui : « À tous les hommes ? » Et, sur leur réponse négative, il reprit : « Sait-on du moins à l’avance quels hommes doivent être atteints de ces maux ? » Et ses compagnons : « Qui pourrait connaître l’avenir des hommes ? » Sur quoi Josaphat rentra chez lui plein d’anxiété.

Une autre fois, il rencontra un homme brisé par la vieillesse. L’homme avait un visage rugueux, un dos voûté, une bouche sans dents, une parole balbutiante. Étonné, Josaphat demanda ce que c’était. Et quand on lui eût répondu que c’était l’âge qui avait mis l’homme en cet état, il demanda. : « Et quelle sera sa fin ? » On lui répondit : « La mort ! » Et lui : « Est-ce que tous doivent mourir, ou seulement quelques-uns ? » On lui répondit : « Tous ! » Et Josaphat : « À quel âge ? » Et eux : « On peut vivre jusqu’à quatre-vingts ou cent ans, et puis