Page:Voragine - Légende dorée.djvu/703

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où il mourait de faim et de froid. Or il y eut un de ces princes improvisés qui, ayant appris la coutume de ses sujets, prit la précaution de déposer dans l’île de grands trésors, de telle sorte que, quand il y fut à son tour relégué, il ne manqua de rien. Cette ville est le monde ; ses citoyens sont les princes des ténèbres ; et à l’improviste la mort survient, qui nous relègue dans le feu de l’enfer. Et notre provision de richesses pour l’autre vie ne peut se faire que par l’entremise des pauvres. »

Quand Barlaam eut ainsi achevé d’instruire le fils du roi, celui-ci voulut tout abandonner pour le suivre. Mais Barlaam lui répondit, que, s’il faisait cela, il serait pareil à certain jeune homme qui, après avoir refusé de se marier avec une jeune fille riche et noble, s’enfuit dans un lieu où il trouva une autre jeune fille, très pauvre, travaillant et priant auprès de son vieux père. Et il lui dit : « Femme, que fais-tu là ? Manquant de tout, tu rends grâces à Dieu comme si tu en avais reçu de grands biens ! » Et la jeune fille : « Les choses extérieures ne sont pas à nous, mais seulement celles qui sont au dedans de nous. Or Dieu m’a accordé de grands biens : car il m’a faite à son image, il m’a appelée à sa gloire et m’a ouvert la porte de son royaume. » Le jeune homme, la voyant aussi sage que belle, la demanda en mariage à son père. Et celui-ci : « Tu ne peux pas épouser ma fille, car tu es fils de gens nobles et riches, et je ne suis qu’un pauvre homme ! » Et comme le jeune homme insistait, le vieillard lui dit : « Je ne puis te la donner en mariage, car tu la conduirais dans la maison de ton père, et elle est mon unique enfant. » Et le jeune homme : « Je resterai près de vous et me conformerai en tout à votre manière de vivre ! » Puis, dépouillant ses vêtements précieux, il endossa un manteau de bure pareil à celui du vieillard, se fixa près de lui et épousa la jeune fille. Et après que le vieillard eut éprouvé sa constance, il le conduisit enfin dans la chambre nuptiale ; et, là, il lui montra un trésor comme il n’en avait jamais vu, et le lui donna tout entier.

À cela le jeune prince Josaphat répondit : « Je com-