Page:Voragine - Légende dorée.djvu/720

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tous, et, désespérant de son œuvre, il se rendit chez son frère. Il le trouva non moins abattu que lui-même, Et c’est dans cet état qu’ils se rendirent tous deux auprès du troisième frère. Quand ils lui eurent raconté leurs déboires, l’ermite versa de l’eau dans un bassin et leur dit : « Regardez-vous dans cette eau quand elle est troublée ! » Puis il leur dit : « Regardez-vous maintenant dans la même eau devenue tranquille ! » Cette fois, ils virent leur visage reflété dans l’eau. Et leur frère leur dit : « De la même façon, ceux qui vivent au milieu des hommes se trouvent hors d’état de voir leurs propres péchés ; mais, dès qu’ils se reposent, ils peuvent voir leurs péchés. »

Une vieille dame noble et pieuse vint voir le solitaire Arsène, et, par l’entremise de l’archevêque Théophile, lui fit demander de la recevoir. Comme Arsène s’y refusait, elle se rendit jusqu’à sa cellule, l’aperçut debout devant la porte, et se prosterna à ses pieds. Et Arsène, après l’avoir relevée, avec indignation : « Malheureuse femme, pourquoi as-tu entrepris ce voyage ? Tu vas maintenant revenir à Rome, tu y raconteras à toutes les femmes que tu as vu le solitaire Arsène, et toutes voudront venir pour me voir aussi ! » Et la dame : « Si Dieu me permet de revenir à Rome je ferais en sorte qu’aucune femme ne vienne ici : mais je te supplie de prier pour moi et de ne pas m’oublier ! » Mais lui : « Je vais prier Dieu qu’il efface ton souvenir de mon cœur ! » Ce qu’entendant la dame, confuse, s’en retourna en ville, et, à force de s’affliger, fut prise de fièvre : L’archevêque, venu près d’elle pour la consoler, lui dit : « Ne sais-tu donc pas que tu es une femme, et que c’est par les femmes que l’ennemi attaque le plus volontiers les saints ? Voilà pourquoi Arsène t’a dit ce qu’il t’a dit ! Mais, quant à ton âme, tu peux être certaine qu’il priera pour elle ! » Et la vieille dame, ainsi consolée, recouvra la santé.

La Vie des Pères raconte, à ce même propos, l’histoire d’un moine qui, ayant à porter sa vieille mère pour traverser Un fleuve, commença par s’envelopper les mains dans son manteau. Et sa mère : « Pourquoi couvres-tu tes mains, mon enfant ? » Et lui : « Le corps de toute