Page:Voragine - Légende dorée.djvu/725

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femme la fille de ce roi, nommée Rosemonde ; et, en même temps, du crâne du roi vaincu il se fit faire une coupe, ornée d’argent ; et il s’en servait pour boire.

L’empire romain était alors gouverné par Justin le Petit, avec l’aide d’un eunuque nommé Narsès, homme de sens et de valeur, qui avait repoussé l’invasion des Goths, et rendu la paix à toute l’Italie. Mais les grands honneurs dont il jouissait lui attirèrent l’envie des Romains : faussement accusé auprès de l’empereur, il perdit ses dignités ; et l’impératrice Sophie, pour achever de l’humilier, le condamna à dévider et à filer la laine avec ses servantes. À quoi Narsès se résigna en disant qu’il tisserait pour l’impératrice une toile dont, aussi longtemps qu’elle vivrait, elle ne pourrait sortir.

Et en effet ce Narsès, s’étant retiré à Naples, manda aux Lombards d’abandonner leur misérable Pannonie pour venir prendre possession du sol fertile de l’Italie. Ce qu’entendant, Alboin se mit en route avec ses Lombards, et pénétra en Italie, l’an du Seigneur 568. Ils s’emparaient de toutes les villes qu’ils trouvaient sur leur passage, mettant à mort tous les habitants : car Alboin s’était juré de tuer tous les chrétiens. Mais quand ils voulurent entrer à Pavie, après un siège de trois ans, le cheval du roi s’agenouilla devant la porte de la ville, et, pressé de coups d’éperon, refusa de se relever. Alors un chrétien expliqua au roi la cause du miracle ; et c’est ainsi qu’Alboin renonça à son serment. Les Lombards pénétrèrent ensuite à Milan. En peu de temps, ils subjuguèrent presque toute l’Italie, à l’exception de Rome et de la Romagne.

Se trouvant à Vérone, dans un grand festin, Alboin versa à boire à sa femme dans le crâne du roi Gépide, en lui disant : « Bois avec ton père ! » Ce qui remplit Rosemonde de haine contre son mari. Or, il y avait un chef lombard qui avait pour concubine une servante de la reine. Rosemonde, une nuit, prit place dans le lit de sa servante, y reçut le chef, puis, après s’être donnée à lui, lui dit : « Sais-tu qui je suis ? » Il répondit en nommant sa concubine. Mais elle : « Pas du tout ! Je suis