Page:Voyage A L'Ile-De-France ; Tome Second.pdf/39

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intimité. Le bourgeois ne méprisait pas le paysan, c'était son cousin.

J'ai vu mademoiselle Berg, âgée de seize ans, diriger seule une maison très-considérable. Elle recevait les étrangers, veillait sur les domestiques, et maintenait l'ordre dans une famille nombreuse, d'un air toujours satisfait. Sa jeunesse, sa beauté, ses grâces, son caractère, réunissaient en sa faveur tous les suffrages; cependant, je n'ai jamais remarqué qu'elle y fît attention. Je lui disais un jour qu'elle avait beaucoup d'amis: j'en ai un grand, me dit-elle, c'est mon père.

Le plaisir de ce conseiller était de s'asseoir, au retour de ses affaires, au milieu de ses enfans. Ils se jetaient à son cou, les plus petits lui embrassaient les genoux; ils le prenaient pour juge de leurs querelles ou de leurs plaisirs, tandis que la fille aînée excusant les uns, approuvant les autres, souriant à tous, redoublait la joie de ce cœur paternel. Il me semblait voir l'Antiope d'Idoménée.

Ce peuple, content du bonheur domestique que donne la vertu, ne l'a pas encore mis dans des romans et sur le théâtre. Il n'y a pas de spectacles au Cap, et on ne les désire pas: chacun en voit dans sa maison de fort touchans. Des domestiques heureux, des enfans bien élevés, des femmes fidèles: voilà des plaisirs que la fiction ne donne pas. Ces objets ne fournissent guère à la conversation; aussi on y parle peu. Ce sont