Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t1, 1905, trad. Khnopff.djvu/113

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plus grand’chose), et ainsi je pourrai me faire exécuter périodiquement, à mon gré et d’après mes loisirs, mes œuvres d’une façon supportable. Evidemment, il ne peut être en aucune façon question d’une place ou d’un emploi. Je n’ai pas non plus la moindre prédilection pour tel ou tel endroit : — car nulle part je ne cherche plus rien de certain, d’individuel, pas même d’intime. Je suis complètement libéré de ce besoin ! J’accepterai plutôt ce que me permettront mes relations les plus banales, même les plus superficielles avec mon entourage, et cela me sera d’autant plus aisé que la ville où je résiderai sera plus considérable. Je ne songe pas le moins du monde à me retirer vers quelque intimité que ce soit (à Weimar, par exemple) ; pareille pensée me révolte même absolument. Je ne puis me faire à mon sentiment de sécurité à l’égard du monde qu’en considérant les hommes d’une façon générale, sans la moindre relation individuelle. Jamais je ne pourrai plus m’efforcer d’attirer l’un ou l’autre à moi, comme à Zurich…

Tels sont les traits fondamentaux de mon état d’âme. Ce qui adviendra au point de vue de l’extérieur, je ne puis l’affirmer avec certitude — je le répète. — D’ailleurs cela m’est profondément indifférent. Je ne pense nullement à quoi que ce soit de stable pour mon avenir : en poursuivant la stabilité, je me suis tellement habitué au changement ! Je lui laisse

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