Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t1, 1905, trad. Khnopff.djvu/121

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donc pas encore que je ne vis que par toi ? Est-ce que tu ne le croyais point, lorsque, tout récemment, je te le faisais dire ? T’égaler, m’élever jusqu’à toi, voilà maintenant à quoi doit s’attacher ma vie ! Il ne faut pas m’en vouloir, quand je t’affirme, que nous ne faisons qu’un, que je sens comme toi, que je partage ton état d’esprit, la plus cachée de tes souffrances, non seulement parce que tout cela est ta vie, mais parce que, très clairement, très certainement, c’est la mienne aussi ! — Te rappelles-tu ce que nous nous écrivîmes, quand j’étais à Paris,[1] alors que, simultanément, éclatait en nous la douleur, après la communication réciproque et enthousiaste de nos projets ? Il en est encore ainsi ! Il en sera ainsi toujours, à jamais ! Tout est chimère ! Tout est illusion ! Nous ne sommes point faits, pour conformer le monde à notre image. Ô cher et pur ange de vérité ! Sois bénie pour ton divin amour ! Oh ! je savais tout ! Quels jours pénibles j’ai traversés ! Quelle angoisse croissante, quels profonds tourments ! Le monde était arrêté ; je ne pouvais respirer, qu’en sentant ton haleine. Ô ma douce, douce femme ! Je ne puis te consoler aujourd’hui, moi, pauvre et triste, brisé comme je le suis ! Je ne puis t’offrir non plus le baume pour ta blessure, la « guérison », je ne puis te l’apporter ! Comment

  1. En Janvier 1858. La lettre n’a pas été retrouvée.
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