Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t1, 1905, trad. Khnopff.djvu/123

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

1er Novembre.

Aujourd’hui c’est la Toussaint !

Je me suis réveillé d’un sommeil court, mais profond, après des tourments prolongés et terribles, tels que je n’en ai jamais encore éprouvés. J’étais installé au balcon et regardais le Grand-Canal, avec le courant de ses ondes noires au-dessous de moi ; un vent d’orage soufflait. Mon saut, ma chute, on n’aurait rien entendu. Ce saut m’aurait délivré de toutes mes souffrances. Je fermai le poing, pour me hisser par-dessus la balustrade… Était-ce possible — en songeant à toi, à tes enfants ?…

Le Jour de la Toussaint est arrivé !…

Repos éternel à toutes les âmes !…

Je sais maintenant, qu’il me sera donné encore de mourir entre tes bras ! J’en suis sûr, à présent !… Bientôt je te reverrai : au printemps, certainement ; peut-être déjà au cœur de l’hiver. —

Vois, mon enfant ! Le dernier aiguillon est arraché de mon âme !

. . . . . . . .

Je suis en possession de toute ma force maintenant. Nous nous reverrons bientôt !…

N’attache pas tant d’importance à mon art ! Je l’ai senti clairement : il n’est pour moi ni une consolation, ni une compensation ; il ne fait qu’accompagner ma profonde harmonie avec toi, il fortifie mon désir de mourir entre tes

— 101 —