Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t1, 1905, trad. Khnopff.djvu/15

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maison, jeune et gracieuse, éprise d’idéal voyait la vie et le monde s’étaler devant elle comme le miroir uni d’une rivière au cours paisible. Aimée et admirée de son mari, jeune mère heureuse, elle vivait dans le culte du Beau dans l’Art et dans la Vie, et aussi dans le culte du Génie dont elle n’avait point vu encore d’exemplaire aussi prodigieux par la volonté et la puissance. Le train de la maison et l’opulence du propriétaire rendaient possible une vie de société dont tous ceux qui y ont pris part gardent un souvenir reconnaissant ».

Ce que furent pour Wagner ces relations avec les Wesendonk, il est aisé de se l’imaginer. On sait assez les accès de douloureux accablement ou de révolte désespérée que traverse Wagner pendant ses années d’exil à Zurich. Hors d’état de surveiller lui-même la réalisation scénique de ses drames, condamné par la force des choses à s’en remettre à d’autres que lui du soin de diriger l’exécution de ses œuvres, il se voit, à sa grande douleur, privé de tout contact vivifiant avec le public, de toute communion avec les artistes. Non seulement il lui faut renoncer à la joie d’entendre son Lohengrin joué à Weimar par Liszt, puis applaudi sur toutes les scènes allemandes, mais il est en outre torturé par la conviction que son absence forcée porte un grave préjudice à sa cause, car ses œuvres arrivent défigurées devant le public

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