Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t1, 1905, trad. Khnopff.djvu/154

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futur ? Je ne vois que des étoiles et une pure clarté rose, entre lesquelles glisse ma gondole, sans bruit, avec le doux clapotis de la rame. — Cela peut bien être le présent. —

Saluez de ma part, mille fois, mon cher ange ; qu’elle ne dédaigne point la tendre larme qui me tombe le long de la joue ! Savourez cela aussi, par la force de votre noble amitié. Comme nous sommes pourtant heureux !

Adieu !

Votre
R. W.


59

Venise, 19 Janvier 59.

Merci pour le beau « conte de fée », amie ! Il serait aisé d’expliquer comment dans tout ce qui vient de vous à moi je trouve un sens symbolique. Hier encore, au moment précis, vos nouvelles m’arrivent comme une sorte de nécessité évoquée par la magie. J’étais au piano ; la vieille plume d’or ourdissait sa dernière trame sur le 2e acte de Tristan, et dessinait justement, avec des lenteurs insistantes, les joies fugaces du premier revoir de mes deux amants. Lorsque, comme cela arrive pour l’instrumentation, je m’abandonne avec un apaisement final à la jouissance de ma propre création, souvent je m’abîme, en même temps, dans une infinité de pensées, qui me livrent involontairement la nature tout originale, éternellement incomprise

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