Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t1, 1905, trad. Khnopff.djvu/176

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comparaison de laquelle les poètes de cette période de développement, si remarquablement éprise de recherche et de zèle, ne sont que des dessinateurs d’esquisses, malgré tous leurs travaux. C’est justement à cause de cela qu’ils me sont si chers : ils constituent mon vrai héritage. Mais ils étaient heureux — plus heureux sans la musique. L’idée abstraite n’apporte pas la souffrance ; tandis que dans la musique toute abstraction devient sentiment. Cela vous consume, cela vous brûle, jusqu’à ce que la flamme claire jaillisse, jusqu’à ce que la nouvelle lumière merveilleuse puisse apparaître !

Puis j’ai fait aussi beaucoup de philosophie et j’ai abouti à des résultats importants, qui complètent et corrigent mon ami Schopenhauer.[1] Mais je préfère ruminer cela dans mon cerveau plutôt que de l’écrire. En outre, des projets poétiques se présentent en foule. — Parzival m’a énormément occupé : notamment m’apparaît, toujours plus vivement et sympathiquement, une créature étrange, une femme merveilleuse, un des démons de l’univers (la messagère du Graal). Si jamais j’exécute ce poème, j’aurai fait quelque chose de très original. Seulement je ne me figure pas combien de temps je devrai vivre, s’il me faut encore réaliser tous ces projets.

  1. Voir Glasenapp, II, 2, 197 ; voir aussi plus haut : Journal, 1 Décembre.
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