Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t1, 1905, trad. Khnopff.djvu/182

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l’ai résolu, comme aucun problème n’a jamais encore été résolu. C’est l’apogée de mon art jusqu’ici. J’ai encore à travailler pendant une semaine au manuscrit, puis il me faut abattre une terrible correspondance. Après quoi, je me propose de visiter Vérone et Milan pour quelques jours, et de passer ensuite mon bon vieux Gothard par Côme et Lugano. Mais d’abord envoyez-moi de vos nouvelles.

Je vous remercie pour l’expédition minutieuse de mes « affaires ». Dieu sait ce qui adviendra de toutes ces bêtises : quand j’ai conscience de ce que je veux, j’ai passablement de flegme en face de ce que le monde me veut. Attendons ! Pour le reste j’ai des vertiges, à la pensée de devoir encore faire des efforts pour exister ! En ce qui concerne mon art, j’ai de moins en moins besoin du monde ; aussi longtemps que me le permettra ma santé, je continuerai à travailler, même si je ne voyais jamais rien de mon œuvre sur une scène.

Hier Winterberger, qui va à Rome, me dit adieu ; il pleura abondamment, il sanglota. Karl aussi était inexprimablement affecté en me quittant au mois de Novembre. Ils m’aiment beaucoup, eux tous, et — je le crois finalement — je dois avoir en moi quelque chose qui leur inspire le respect. Je laisse Karl encore ici. Il n’est rien moins que dans une bonne situation. Il appréhende fort mon départ.

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