Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t1, 1905, trad. Khnopff.djvu/67

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nière fois, longtemps, vers là-bas… Ô ciel ! pas une larme ne me vint ; mais il me parut que tous mes cheveux me devenaient blancs aux tempes !…. J’avais fait mes adieux. En moi, maintenant, tout était froid, assuré…. Je descendis. Ma femme m’attendait. Elle m’offrit du thé. Ce fut un instant d’une douleur navrante…. Elle m’accompagna dans le jardin. La matinée était radieuse. Je ne me retournai pas…. À la minute suprême, ma femme éclata en sanglots. Mes yeux restèrent secs pour la première fois. Je lui dis encore de se montrer patiente et digne, de se consoler en chrétienne. Mais son ancienne violence vindicative se ralluma de nouveau. « Elle ne peut être sauvée — fus-je obligé de me dire. — Pourtant je ne puis me venger sur la malheureuse ! Elle-même doit exécuter sa propre sentence. » J’étais profondément grave ; il y avait en moi une amertume et une tristesse effroyables. Mais pleurer, je ne le pouvais pas. C’est ainsi que je partis. Et alors — je ne le nie pas — une sensation de calme m’envahit, je respirai librement…. Je m’en allais dans la solitude : là je suis chez moi ; là je puis t’aimer de toutes les forces de mon âme !….

Ici je n’ai encore parlé à personne, sinon à des serviteurs. Même j’ai écrit à Karl Ritter[1]

  1. Karl Ritter, fils de Madame Ritter, amie et bienfaitrice de Wagner.
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