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re : ils avaient de leur côté la force brutale et ils se préparaient à en user. Le peuple vit enfin où l’avait conduit sa naïve confiance : il ne lui restait qu’un moyen de faire triompher son droit : le reconquérir les armes à la main. Aucune autre possibilité ne se présentait à lui, et celle-là même était bien faible, vue l’infériorité matérielle de sa situation.

À cette époque de tension des esprits, où le peuple pressentait l’approche d’événements qui devaient décider de son sort, Wagner lui aussi subissait cet état d’attente anxieuse qui s’était emparé de l’âme de tous. Il avait acquis la conviction que l’ancien état de choses se maintiendrait intégralement si la Révolution ne réussissait pas à bouleverser tout l’ordre social. Dans l’expectative d’une solution imminente, il avait abandonné tout travail de création et suivait avec attention les péripéties de la politique. Grâce à son ami Röckel il conçut de près la plupart de ceux qui devaient jouer un rôle dans l’insurection de mai et fut mis en relation avec Bakounine. De prime abord Bakounine dut faire sur Wagner une vive impression : tout son aspect extérieur, son allure, son visage énergique révélaient immédiatement cette puissante nature qui avait sur les hommes un si grand pouvoir de suggestion. Par plusieurs traits de son caractère il était apparenté à Wagner : tous deux avaient une