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Apollon, le meurtrier de Python le dragon du chaos, Apollon qui avait anéanti de ses coups mortels les fils de la vaniteuse Niobé, révélait par la bouche de sa prêtresse de Delphes la loi primitive de l’esprit et de l’essence grecs et mettait ainsi sous les yeux de l’homme entraîné dans une action passionnée, le miroir calme et clair de son intime et inaltérable nature grecque: Apollon était l’exécuteur de la volonté de Zeus sur la terre grecque, il était le peuple grec même.

Ce n’est point sous la forme de l’efféminé musagète — forme unique sous laquelle nous l’a transmis l’art plus tardif et plus luxuriant de la sculpture — que nous devons nous figurer Apollon à l’époque de pleine floraison de l’esprit grec, mais empreint d’une joie grave, beau mais fort, tel que le connut le grand tragique Eschyle. Ainsi apprenait à le connaître le jeune Spartiate, quand par la danse et par la lutte il développait la grâce et la force de son corps svelte ; quand, enfant, emporté à cheval par l’aimé, il était entraîné au loin dans des aventures audacieuses ; quand, adolescent, il prenait rang parmi ses compagnons, auprès desquels il ne faisait pas valoir d’autres titres que ceux de sa beauté et de son charme, qui constituaient seuls sa puissance et sa richesse. Ainsi le voyait l’Athénien quand toutes les impulsions de son beau corps, de son esprit