Page:Wagner - L’Art et la Révolution, 1898, trad. Mesnil.djvu/86

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 82 —

fois pour toutes rejeté loin d’elle ces soucis et — comme le Grec en chargeait l’esclave — en aura chargé la machine, cet esclave artificiel du libre homme créateur, que celui-ci servait jusqu’ici comme l’adorateur de fétiches sert l’idole qu’il a fabriquée de ses propres mains, alors tout son instinct d’activité délivré ne se manifestera plus que sous forme d’instinct artistique. Nous reconquérerons ainsi l’élément vital des Grecs, à un degré beaucoup plus élevé : ce qui était chez les Grecs la conséquence d’une évolution naturelle, sera chez nous le résultat d’une lutte historique ; ce qui était pour eux un don à demi inconscient, nous restera comme un savoir acquis à force de combats, car ce que la grande masse de l’humanité possède réellement, ne peut plus lui échapper.

Seuls les hommes forts connaissent l’Amour, seul l’amour comprend la Beauté, seule la beauté forme l’Art. L’amour des faibles entre eux ne peut avoir d’autre expression que les chatouillements de la volupté ; l’amour du faible pour le fort est de l’humilité et de la crainte ; l’amour du fort pour le faible est de la pitié et de l’indulgence : seul l’amour du fort pour le fort est de l’amour, car il est le libre don de nous-même à celui qui ne peut nous contraindre. Sous toutes les zones, dans toutes les races, les hommes pourront parvenir