Page:Wagner - L’Art et la Révolution, 1898, trad. Mesnil.djvu/92

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tianisme, de telle sorte que l’unique Dieu abstrait de votre cher Moi pût seul encore avoir place en ce monde.

Voilà les hommes qui crient à « l’utopie » quand la saine intelligence humaine en appelle de leurs expériences insensées à la nature, qui seule a une existence visible et saisissable, et qu’elle ne demande pas autre chose à la divine raison humaine que de remplacer pour nous l’instinct de l’animal qui lui fait trouver sans souci, sinon sans peine, ses moyens d’existence. Et vraiment il nous suffit d’obtenir d’elle ce résultat en faveur de la société humaine, pour élever sur cette base unique, le véritable bel art de l’avenir.

Le véritable artiste, qui aujourd’hui déjà a saisi le juste point de vue, peut aujourd’hui déjà travailler à l’œuvre d’art de l’avenir, puisque ce point de vue est d’éternelle réalité. Du reste chacun des arts frères a en vérité de tout temps — et également aujourd’hui d’ailleurs — manifesté en de nombreuses productions sa haute conscience de lui-même. Mais de quoi souffraient de tout temps, et souffrent surtout dans notre état actuel, les créateurs inspirés de ces nobles œuvres ? N’était-ce pas de leur contact avec le monde extérieur, c’est-à-dire avec le monde auquel leurs œuvres devaient appartenir ? Qu’est-ce qui a révolté l’architecte, lorsqu’il a dû gaspiller sa force créatrice à