Page:Wagner - Ma vie, vol. 3, 1850-1864.pdf/156

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

144
VISITE CHEZ RITTER À LAUSANNE

avoir lu mes drames, ils les ont jugés injouables ou s’ils se sont laissé influencer par la coterie des gens qui, visiblement, n’ont cessé, à partir de là, de me persécuter et de contrecarrer mes entreprises. Bref, je dus renoncer à l’espoir de posséder les capitaux qui auraient fait de moi un bâtisseur de maison. Je n’en continuai pas moins mes travaux d’architecte, me proposant bien d’arriver un jour à réaliser mes plans.

Le 15 août 1856 expiraient les deux mois que le docteur aillant avait exigés pour ma cure. Je quittai donc son bienfaisant etablissement et, de Genève, j’allai voir Carl Ritter à Lausanne. Il s’y était installé avec sa femme pour les mois d’été et habitait une modeste maison solitaire. Tous les deux étaient venus me voir à Mornex et j’avais persuadé à Cari de s’y faire soigner aussi. Mais, dès le premier essai, il m’avait déclaré que le traitement, si léger qu’il fût, l’excitait. Autrement, et d’une façon générale, nous nous entendîmes très bien, de sorte qu’il m’annonça son retour à Zurich pour l’automne. Je me mis donc en route pour Zurich d’assez bonne humeur, prenant le coupé de la diligence pour éviter à Fips le désagréable trajet en chemin de fer. À la maison, je trouvai ma femme rentrée de Seelisberg où elle avait fait sa cure de petit-lait, et auprès d’elle, ma sœur Clara, la seule personne de ma parenté qui soit venue me voir dans mon asile suisse. Nous fîmes avec elle une excursion à Brunnen, mon lieu de prédilection, et nous y jouîmes d’une admirable soiree d’été avec un splendide coucher de soleil et autres beaux effets de la nature alpestre. À la tombée de la nuit, tandis que la pleine lune luisait