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« TANNHÄUSER » AU THÉÂTRE DE LERCHENFELD

ce qui la rendrait habitable en hiver. Bien que Wesendonck fît l’indispensable, il y eut beaucoup de choses à ajouter et cela donna lieu à des difficultés interminables, tant à cause de la perpétuelle divergence d’opinion qui existait entre moi et ma femme, qu’à cause de l’incertitude de ma situation pécuniaire, car j’étais encore toujours sans fortune. Sous ce rapport cependant, les événements prenaient de temps en temps une tournure qui nourrissait dans mon âme d’optimiste une confiance absolue dans l’avenir. À Berlin, malgré ses représentations médiocres, Tannhäuser me rapportait de plus gros bénéfices que je n’avais pensé. À Vienne aussi, l’horizon s’éclaircissait. Le Théâtre de la cour, il est vrai, me demeurait toujours fermé et l’on m’avait assuré qu’aussi longtemps qu’une cour impériale existerait à Vienne, il ne serait pas question d’y représenter mes opéras révolutionnaires.

Cette singulière situation engagea mon vieil ami Hofmann, ancien directeur du Théâtre de Riga et actuellement directeur de celui de Josephstadt, à risquer, avec une troupe d’opéra particulière, une représentation du Tannhäuser dans la grande salle qu’il avait fait construire au Lerchenfeld en dehors de l’enceinte de Vienne. Pour chaque soirée, il m’offrait un tantième de cent francs. Liszt, auquel je fis part de la chose, la jugea scabreuse, mais je lui répondis qu’en cette occasion j’étais de l’opinion de Mirabeau qui, n’ayant pas été nommé par ses égaux à l’assemblée des notables, se proposa comme « marchand de drap » aux suffrages des électeurs de Marseille. Ceci fut du goût de Liszt et j’entrai donc