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CAPACITÉS MUSICALES DE CARL RITTER

connaissait assez l’insuffisance des moyens avec lesquels il avait risqué cette entreprise étonnamment hardie et ne trouvait pas nécessaire de s’y étendre ; à son avis, la chose importante était l’esprit de l’œuvre et l’effet qu’elle avait produit sur différentes personnalités de marque qu’il avait su attirer à Weimar pour assister à la représentation.

Tout ce qui devait résulter de cet événement significatif et qui n’éclata sous son vrai jour que plus tard, demeura pour l’instant sans influence sur ma situation. J’étais préoccupé surtout de la vocation du jeune ami qui m’était confié. De Weimar, Carl était allé voir sa famille à Dresde ; à son retour, il m’avait fait part de son intention d’entrer dans la carrière de musicien et de tâcher d’obtenir une place de directeur de musique à un théâtre. Je ne connaissais pas encore ses capacités musicales ; il s’était toujours refusé à jouer du piano devant moi, mais il m’avait soumis une composition, la Walkyrie, qu’il avait faite sur une poésie de lui, en vers allitérés. J’y avais constaté une grande gaucherie, il est vrai, mais aussi un savoir très approfondi des règles de l’harmonie. On y reconnaissait clairement l’élève de Robert Schumann. Ce maître m’avait assuré autrefois qu’il considérait Carl Ritter comme des mieux doués, son oreille étant des plus sûres et sa rapidité de conception très grande. Je n’avais donc aucune raison de ne point partager la confiance que le jeune homme avait lui-même en ses qualités de futur chef d’orchestre.

La saison d’hiver approchant, je m’informai où se trouvait le directeur du théâtre de Zurich et j’appris qu’il