Page:Wagner - Ma vie, vol. 3, 1850-1864.pdf/299

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

287
LA « MUSIQUE DE L’AVENIR »

détaillée que j’avais dédiée à M. Frédéric Villot. L’adaptation française était de M. Challemel-Lacour, qu’autrefois j’avais connu réfugié politique, chez Herwegh, à Zurich. L’intelligence avec laquelle il avait exécuté son travail enchanta tout le monde. Ayant envoyé le texte allemand de la préface à l’éditeur J.-J. Weber à Leipzig pour qu’il le publiât sous le titre de Musique de l’avenir, la brochure m’en parvint à la même époque et j’en fus très heureux : elle me paraissait devoir représenter le seul profit que je retirerais de mon entreprise parisienne, dont les débuts avaient pourtant été si brillants en apparence. Malgré ma maladie, je réussis à achever le remaniement de Tannhäuser : la grande scène chorégraphique du palais de Vénus fut terminée après une nuit blanche, le matin à trois heures, au moment où Minna rentrait avec une amie du grand bal de l’Hôtel de Ville.

À Noël, je n’oubliai pas d’acheter d’assez riches étrennes pour ma femme. Pour fortifier ma longue convalescence, moi, je continuai sur l’avis du médecin à prendre un bifteck chaque matin, et chaque soir, avant de me coucher, une chope de bière de Munich. Cependant, nous ne fêtâmes pas la Saint-Sylvestre ; j’entrai dans la nouvelle année en dormant paisiblement.

Dès le commencement de cette année 1861, le laisser aller des répétitions fit place à une mise en œuvre sérieuse de la représentation projetée. Je constatai un changement marqué dans les dispositions de tous les participants, mais les répétitions trop fréquentes me donnaient à croire que la direction obéissait plutôt à un ordre supérieur qu’à un espoir de succès. Et en vérité, je voyais