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LECTURE À L’HÔTEL BAUR (FÉVRIER 1853)

quatre soirées consécutives. Le premier soir, je me refroidis fortement et m’éveillai le lendemain matin complètement enroué. Je déclarai aussitôt à Rahn combien je serais affecté de renoncer à ma lecture. Que faire pour me débarrasser au plus tôt de cet enrouement ? Le docteur me recommanda de me tenir absolument tranquille tout le jour, puis de me faire conduire, bien couvert, à la salle de la conférence et de prendre alors quelques tasses de thé léger ; le reste irait de soi. Je risquais de tomber sérieusement malade si, au contraire, je me laissais dominer par le chagrin que me causait ce fâcheux contretemps. Et, en vérité, la lecture du drame passionné marcha on ne peut mieux. Le troisième et le quatrième soir, il en fut de même et je me sentis tout à fait guéri.

J’avais retenu pour ces séances une grande salle élégante de l’hôtel « Baur au lac », et je constatai avec surprise que chaque soir elle se peuplait davantage, bien que je n’eusse invité qu’un petit groupe de connaissances. Je leur avais, il est vrai, laissé la liberté d’amener avec elles les personnes qui leur paraîtraient attirées plus par un intérêt véritable que par la simple curiosité. L’effet de ces lectures fut très favorable : les hommes les plus marquants de l’université et du gouvernement m’en firent de grands éloges et exprimèrent des réflexions fort justes sur mon poème et sur les intentions artistiques qui s’y manifestaient. Le sérieux un peu sec mais convaincu de leurs appréciations me suggéra alors l’idée d’essayer jusqu’à quel point je pourrais mettre ces bonnes dispositions au service de mes tendances artis-