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à ce point que je me sentais tenté de fuir bien loin devant un tel spectacle dans la plus complète retraite.

Je voudrais vous faire comprendre cette crise de ma vie, sans vous fatiguer pourtant de détails biographiques ; souffrez donc que, de tout cela, je vous peigne seulement le singulier combat que doit soutenir un musicien allemand de nos jours, lorsque, l’âme pleine de la symphonie de Beethoven, il est conduit à aborder l’opéra moderne tel que je vous l’ai décrit en Allemagne.

Malgré une éducation scientifique sérieuse, j’avais dès ma première jeunesse vécu en relations étroites, continuelles avec le théâtre. Cette partie de ma vie tombe dans les dernières années de Charles-Marie de Weber ; il dirigeait alors en personne dans la ville que j’habitais, à Dresde, l’exécution de ses opéras. Je reçus de ce maître mes premières impressions musicales ; ses mélodies me remplissaient d’enthousiasme, son caractère et sa nature exerçaient sur moi une vraie fascination ; sa mort dans un pays éloigné remplit de désolation mon cœur d’enfant. La mort de Beethoven suivit de près celle de Weber ; ce fut la première fois que j’entendis parler de lui, et c’est alors que je fis connaissance avec sa musique, attiré, si je puis le dire, par la nouvelle de sa mort. Ces impressions sérieuses développaient en moi une inclination de plus en plus énergique pour la musique. Ce ne fut que plus tard cependant, lorsque déjà mes études m’avaient introduit dans l’antiquité classique et inspiré quelques essais poétiques, que j’en vins à étudier la musique plus à fond. J’avais composé une tragédie, et je