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platitude absolue admises au nombre de ses poésies.

Cette opinion favorable à l’opéra, sans cesse conçue par les têtes les mieux faites, et toujours démentie par la réalité, portait d’un côté témoignage de la possibilité, prochaine en apparence, d’atteindre la perfection dans le drame par une parfaite réunion de la poésie et de la musique ; elle trahissait d’autre part ce qu’a de radicalement défectueux l’opéra proprement dit. Ce vice essentiel de l’opéra ne pouvait par sa nature même se faire sentir d’abord au musicien, et devait du reste échapper aussi nécessairement au littérateur. Le poëte, qui n’était pas lui-même le musicien, trouvait dans l’opéra un ensemble invariable de formes musicales, et cet ensemble lui prescrivait d’avance les lois déterminées auxquelles devait satisfaire l’échafaudage dramatique dont il était chargé.

Le poëte ne pouvait rien changer à ces formes, cela n’appartenait qu’au musicien. Quelle était la valeur de ces formes ? C’est ce que le poëte, qu’on prenait pour auxiliaire, découvrait sans le vouloir ; il le découvrait par la nécessité où il se sentait réduit d’abaisser, dans l’invention du sujet et la composition des vers, son talent de poëte jusqu’à cette frivolité plate et avouée que Voltaire a flagellée si justement. En vérité, il n’est pas besoin de faire voir la pauvreté, la platitude, le ridicule du genre livret d’opéra ; en France, même, les meilleurs essais du genre ont consisté plutôt à voiler le mal qu’à le détruire. Le mécanisme propre de l’opéra est donc toujours resté un objet étranger au poëte ; il ne pouvait y toucher, il n’avait qu’à s’y assujettir ; aussi jamais, sauf