Page:Wagner - Sur les Poèmes symphoniques de Franz Liszt, 1904, trad. Calvocoressi.djvu/13

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Je vous suis pour ainsi dire redevable d’un entretien quelque peu développé sur notre ami et sur ses nouvelles œuvres d’orchestre : à traiter ce sujet verbalement, on ne procède guère que par aphorismes, et, de plus, il ne me serait pas de sitôt possible d’en causer avec vous. Votre désir, si souvent exprimé, de connaître une bonne fois mon opinion nette et mûrement pesée sur Liszt devrait, tout compte fait, être pour moi une source de perplexité. Vous n’ignorez pas en effet que la vérité ne sort guère que de la bouche des ennemis ; l’appréciation venant d’un ami, surtout lorsque cet ami a envers celui qu’il juge toutes les obligations que j’ai envers Liszt, semble nécessairement suspecte de partialité et dénuée de toute valeur. Mais cela m’inquiète fort peu ; c’est, je crois, une de ces maximes à l’aide desquelles le monde des médiocres, ou, comme vous le dites spirituellement, de la « médiocratie », a su, grâce à cette ingéniosité si profonde que donne l’envie, s’entourer comme d’un inviolable rempart d’où il crie aux grands hommes : « Halte ! attends que moi, ton ennemi naturel, je t’aie rendu justice. » Et je veux, tout au contraire, m’en tenir à ce que je sais par expérience, à savoir que quiconque attend l’appréciation de