Page:Wagner - Sur les Poèmes symphoniques de Franz Liszt, 1904, trad. Calvocoressi.djvu/36

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Tel fut le cas, encore tout récemment, lorsque j’entendis la scène d’amour de la symphonie Roméo et Juliette, de notre ami Berlioz, scène dont les idées musicales sont d’une beauté si saisissante. Le ravissement où m’avait jeté le développement du motif principal disparut pendant que j’écoutais la suite, et ce fut un désenchantement, un franc déplaisir. Je compris que le fil de la musique (c’est-à-dire l’alternance claire et logique de motifs déterminés) une fois perdu, je devais me contenter de motifs scéniques dont aucune circonstance effective ni aucun programme ne me fournissaient la désignation. Ces motifs, on pouvait incontestablement en trouver l’origine dans la célèbre « scène du balcon » de Shakespeare; mais les avoir fidèlement traités d’après la disposition que le dramaturge avait adoptée, c’était, de la part du compositeur, une erreur grave. Lorsqu’il voulut tirer de cette scène la matière d’un poème symphonique, ce dernier en effet aurait dû sentir que, pour exprimer une idée à peu près semblable, le dramaturge et le musicien ne sauraient employer les mêmes moyens. Le dramaturge s’éloigne moins de la vie ordinaire ; il ne se fait comprendre que s’il manifeste son idée par une