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XI
PRÉFACE

nature des choses. Il sera ainsi le meilleur juge, c’est-à-dire un juge indépendant et désintéressé dans un procès scrupuleusement instruit sous ses yeux.

Une langue est faite de sons dont les combinaisons signifient les choses que tous les membres de la nation qui la parlent se représentent par les mêmes idées, ce qui leur permet de se communiquer entre eux ce qu’ils sentent, pensent et veulent. Ces combinaisons sont ou des mots, ou des composés de mots, des phrases. Les mots sont des signes tacitement conventionnels, ils ne sont pas des signes naturels, parce que, sauf dans de rares onomatopées, il n’y a aucun caractère commun aux mots et aux choses qu’ils signifient. Les phrases sont des signes en partie conventionnels, puisqu’elles sont composées de mots, et en partie naturels, car les mouvements passionnels de l’individu qui les prononce se communiquent à la chaîne des mots, et c’est cette communication qu’on nomme le style (le style, c’est l’homme). La prose d’une langue est l’enchaînement spontané des mots dans la phrase et des phrases dans le discours. Je dis spontané, parce que cet enchaînement se forme à l’ordinaire sans que la personne qui parle en ait conscience, sans que la volonté réfléchie intervienne, comme il est aisé de le constater sur soi dans la conversation courante. Cependant un orateur, un historien, sont plus ou moins attentifs au choix et à la disposition des mots, et ils n’en font pas moins de la prose.

C’est que le caractère propre de celle-ci con-