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JOSÉPHIN SOULARY


LES DEUX CORTÈGES


Deux cortèges se sont rencontrés à l’église.
L’un est morne : — il conduit le cercueil d’un enfant ;
Une femme le suit, presque folle, étouffant,
Dans sa poitrine en feu, le sanglot qui la brise.

L’autre, c’est un baptême : — au bras qui le défend
Un nourrisson gazouille une note indécise ;
Sa mère, lui tendant le doux sein qu’il épuise,
L’embrasse tout entier d’un regard triomphant !

On baptise, on absout, et le temple se vide.
Les deux femmes alors, se croisant sous l’abside,
Échangent un coup d’œil aussitôt détourné ;

Et — merveilleux retour qu’inspire la prière —
La jeune mère pleure en regardant la bière,
La femme qui pleurait sourit au nouveau-né !


SUR LA MONTAGNE


Des sommets les plus fiers je touche enfin la crête.
Mais plus loin n’est-il pas un horizon plus beau ?
L’oiseau monte si haut au-dessus de ma tête !
Et je voudrais monter bien plus haut que l’oiseau !

Si haut que l’oiseau plane en l’azur, sa conquête,
Il ne perd pas des yeux son nid dans ce rameau ;
Si bas que l’homme rampe au sillon qui l’arrête,
Ses yeux plongent toujours dans un azur nouveau !

Combien de cieux franchir encor, quelle étendue,
Pour atteindre à l’objet qui tente et fuit ma vue ?
— Comme l’oiseau, poète, abaisse ton regard !

Ce qu’au loin ton vol cherche est dans ce brin de mousse
Dieu, dont le double aimant t’attire et te repousse,
S’il n’était que là-haut ne serait nulle part !