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Dans Le Songe de l’Amour, paru en 1900, sept ans après Les Vierges, il y a l’expérience de l’homme que l’amour a fait souffrir : « Ce sont ici des vers do l’amour, de plusieurs amours qui n’en sont qu’un, à cause du poète qui en ressentit la joie inquiète, réticente et farouche, se donnant et se reprenant avec une égale bonne foi et une égale fierté d’indépendance ; s’il a souffert, il n’a pas fait souffrir ; et, sans être dupe outre mesure du songe qu’il s’était créé, il a voulu en perpétuer l’illusion, parce qu’elle était noble, cruelle et douce. En plein émoi sensuel, il a réservé toute une part close de sa vie :

Tes bras mystérieux ne sont pas un collier,
Kt notre vie à deux reste une solitude.

Puis il s’est abandonné à réfléchir sa profonde douleur dans le miroir amer d’une autre âme blessée comme la sienne. Toujours entre lui et les diverses formes de femmes devinées à travers ses poèmes, un être un peu fictif s’interpose et se substitue, plus âpre et plus incertain. Il n’est point aisé de déterminer le genre de plaisir que l’on éprouve au commerce de ces poèmes très simples et très compliqués… » (pierre Quillard.)

Dans les derniers vers de M. André Ri voire, qui sont d’un artiste singulièrement délicat, il y a comme un regret d’illusions perdues, de rêves déçus.

MINUETTO

La Yierge, au piano, rêve dans l’ombre exquise ;
Un rayon rose et bleu tremble à ses doigts fluets ;
Et sa langueur se berce au chant des menuets,
Qui ressuscite en elle une âme de marquise.

Dans le boudoir, où traîne un charme suranné,
Dont le regret confus peuple sa solitude,
Elle sourit, sans trouble et sans inquiétude,
Au rêve que ses doigts câlins ont égrené.

Puis, voici qu’à genoux, sans effrayer ses lèvres,
De beaux seigneurs musqués l’effleurent galamment
D’un hommage, discret comme un chuchotement,
Et sa candeur s’effeuille en des sourires mièvres.

(Les Vierges.)