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LE MAUVAIS DOUTE

Beau tourment de la Lyre, ô rythmes, nombres d’or,
Où l’homme assoupissait les douleurs balancées,
Images, noble essaim de nymphes pourchassées,
Chœur fidèle et mouvant de l’infini décor ;

Prismes si tôt brisés où le sextuple essor
Des rayons enlaçait la vie et les pensées,
Prestiges, jeux divins de l’art, grâces blessées,
Vous nous enchanterez combien de temps encor !

Durci dans le conflit des sombres énergies,
L’homme dédaignera les naïves magies
Auxquelles souriait dans ses langes l’enfant ;

Et la Vérité nue, en sa gloire formelle,
Loin de la Beauté morte et de l’Art décevant,
L’écrasera, muet, sur sa froide mamelle.

(Du Désir aux Destinees.)

CARPE DIEM

Guéris-toi d’espérer et de croire, bafoue
Dogmes, dieux, et vis sans souci du lendemain,
Essuyant humblement du revers de la main
Le goût de l’éternel à ta lèvre de boue.

Qu’importe que tes vœux soient fiers, que ton chemin
Eventre l’horizon, l’Idéal à la proue !
Abject tu l’es essentiellement, avoue !
Cueille l’heure, — jouis, comme un pourceau romain.
C’est la vieille sagesse infâme de la terre.
Enfin convalescent du mal héréditaire,
Ris au large banquet de l’appétit vainqueur.

L’Amour et le Devoir que le martyre enivre
La raison les dénie aux appels de ton cœur,
Jouis avec fureur et désespoir de vivre.

(Du Desir aux Destinées.)