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auguste.

lourdement, qu’il ne faisait que d’énormes entailles, sans jamais arriver à leur donner une forme même grossière ; il se désolait, il tapait du pied, quelquefois même il jetait son morceau de bois par terre en lui disant des injures ; puis tout honteux, il le relevait et recommençait à le sillonner de nouvelles entailles, toutes aussi maladroites les unes que les autres.

« C’est inconcevable ! avait-il coutume de dire alors : tu verras, Delriau, comme je fais bien les bonshommes de neige ; je croyais que lorsqu’on pouvait faire un bonhomme de neige, on pouvait tailler un morceau de bois ! Ah, mon Dieu, je n’en viendrai jamais à bout !

— Patience, répondait toujours Delriau,

— As tu été si long-temps que cela ? demanda Auguste, un jour où il perdait tout à fait courage.

— Non ; je ne sais pas comment ça s’est fait. Je gardais les moutons, je n’avais que huit ans, je m’ennuyais ; je coupe une baguette de bouleau et je m’en fais une canne ; puis je m’imagine de faire une tête à cette canne, et j’en fais une ; je fais les yeux, le nez, la bouche : c’était fort drôle ; je reviens bien content ; mon père me dit que c’était très-bien, et il me demanda de lui donner ma canne ; je fus bien orgueilleux de cette demande ; je donnai ma canne ; et quand je fus dans les champs, je m’en fis une autre, et je trouvai que la tête que j’y avais faite était encore mieux. Je ne fis que des cannes pendant huit ou dix jours : c’était un plaisir toujours nouveau pour moi. Enfin un jour, pour varier, je m’avisai de vouloir faire un mouton ; je donnai bien la forme de cet animal à mon morceau de bois ; mais je ne pus jamais couper les jambes, et façonner la queue et les oreilles : mon couteau ne coupait pas assez bien. Je le dis à mon père, qui fut exprès à la ville m’en acheter un ; je l’emportai au champ le lendemain, et j’achevai le mouton ; il