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colliberts.

cette touchante cérémonie, et quand vint le soir, les deux familles se séparèrent en se promettant de se revoir.

La hutte faite de murailles de terre glaise et de mottes d’herbes séchées au soleil, était pour le petit Pierre un continuel sujet de surprise et d’admiration, et durant tout le chemin, il accabla ses parents de questions. Mais lorsqu’il revint au bateau et que son père lui présenta une petite rame en disant :

— Tu as cinq ans, Pierre, et te voilà un homme puisque tu viens de recevoir le baptême ; il te faut commencer à travailler, mon fils.

L’enfant répondit en souriant :

— Oui, père. Et soulevant péniblement sa petite rame, il la plongea dans la mer avec un grand air de triomphe ; son père et sa mère applaudirent à ses efforts, et il oublia tout à fait la belle hutte de son oncle pour se livrer à cette nouvelle occupation. Lorsque son père l’emmenait dans son batelet, il ne manquait jamais de faire avec sa rame les mêmes mouvements qu’il voyait faire à son père et il s’écriait joyeux et fier :

— Le bateau marche, père, je fais marcher le bateau.

Ce qui n’était qu’un jeu, devint avec les années une réalité. Pierre n’avait que huit ans et déjà il connaissait l’heure de la marée, la direction du vent, savait faire manœuvrer le batelet attaché au bateau de son père et pouvait indiquer chaque place où se trouvait un écueil. Intrépide, leste et adroit, il aidait son père chaque jour davantage.

On était en hiver, l’enfant avait dix ans, la mer se soulevait orageuse et blanchâtre, le vent grondait au loin, les nuages s’abaissaient, et les oiseaux rasaient les vagues ; ils étendaient sur la mer en furie leurs ailes légères comme pour jouer avec les flocons mousseux qui s’élançaient