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tain nombre de Chiens. Car allant en Chaloupe dans la Baye Orientale, nous apperçumes quelques Chiens qui quêtoient ; et curieux de savoir de quel gibier ils suivoient la piste, nous nous arrêtames quelque tems pour voir à quoi aboutiroit cette course ; à la fin nous les vimes gagner une hauteur, dont le sommet étoit occupé par un Troupeau de Chèvres, qui paroissoient disposées à les recevoir. Il y avoit en cet endroit un sentier fort étroit bordé de précipices des deux côtés ; ce fut le poste que le Chef du Troupeau choisit pour y faire tête à l’Ennemi, le reste du Troupeau se tenant derrière lui, dans un espace moins resserré. Comme cet espace étoit inaccessible par tout autre endroit, que celui où le Chef s’étoit placé, les Chiens, quoiqu’ils eussent monté la hauteur avec beaucoup d’ardeur, ne se trouvèrent pas plutôt à la distance d’environ vingt-cinq pas de lui, que la crainte d’être jettés de haut en bas par leur Ennemi, les arrêta tout court, et les obligea à se coucher par terre, haletans et hors d’haleine.

Les Chiens, qui, comme je l’ai dit, ont détruit ou chassé les Chèvres de toutes les parties accessibles de l’Ile, sont de différentes espèces, et ont prodigieusement multiplié. Ils venoient quelquefois nous rendre visite pendant la nuit, et nous déroboient nos provisions ; et il arriva même une ou deux fois, que trouvant quelqu’un des nôtres à l’écart, ils l’attaquèrent ; mais comme il vint du secours à tems, on les mit en fuite avant qu’ils eussent eu le tems de faire aucun mal. Depuis que les Chèvres ne leur servent plus de nourriture, il y a lieu de supposer qu’ils vivent principalement de jeunes Veaux marins. Ce qu’il y a de sur, с’est que plusieurs de nos gens ayant tué des Chiens, et les ayant mangés, leur trouvèrent un goût de Poisson.

Les Chèvres étant si rares, que nous avions bien de la peine à en tuer une par jour, et notre monde commençant à se dégouter du Poisson, (dont, comme je l’ai remarqué ci-dessus, on prend ici tant qu’on veut) il fallut enfin en venir à manger du Veau marin. Ce mêts, dédaigné au commencements nous parut meilleur de jour en jour, et fut appellé Agneau. Le Veau marin, dont il se trouve ici une grande quantité, a été si souvent décrit par d’autres, que ce seroit une peine assez inutile que d’entrer dans quelque détail sur ce sujet. Mais on trouve dans l’Ile de Juan Fernandez un autre Animal amphibie, appellé Lion marin, qui ressemble un peu au Veau marin, quoique beaucoup plus grand, nous le mangions sous le nom de Bœuf ; et comme c’est un Animal tout-à-fait singulier, je