Page:Walter - Voyage autour du monde fait dans les années 1740, 1, 2, 3, 4, 1749.djvu/250

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noit d’un Canot de trois Pêcheurs Nègres, qui surpris à leur approche voulurent se jetter dans la Mer, et gagner le rivage en nageant, ce qui leur eût été très facile ; mais nos gens en leur présentant le bout d’un Fusil, leur en firent perdre l’envie, et les prirent dans le Bateau. Nos Officiers eurent soin d’effloter le Canot, vis-à-vis d’un rocher, où il ne pouvoit manquer d’être mis en pièces par les vagues, afin que si les gens de la Ville faisoient quelque recherche de ce Canot, et qu’ils en trouvassent des débris, ils crussent que les trois Nègres avoient péri, et n’eussent aucun soupçon que nous les eussions enlevés. Après cela nos gens firent force de rames pour gagner le largue, et dès le point du jour ils se trouvèrent trop loin de la Côte, pour en être apperçus.

Les trois Nègres que la Chaloupe nous ramena, nous tirèrent bientôt du doute où nous étions ; ils nous apprirent que l’occasion d’intercepter le Galion dans sa route de Manille à Acapulco, étoit passée, mais en même tems ils nous fournirent des motifs de consolation, par l’espérance qu’ils nous donnèrent de nous dédommager amplement de ce que nous avions manqué de gagner. Ils nous dirent donc que le Galion étoit arrivé à Acapulco dès le 9 de Janvier, c’est-à-dire, vingt jours avant que nous arrivassions sur cette Côte, mais ils nous assurèrent en même tems, que ce Vaisseau étoit déja déchargé ; qu’on étoit occupé à le pourvoir d’eau et de provisions pour son retour, et que le Viceroi de Mexique avoit fixé le jour de son départ au 14 de Mars, nouveau stile. Cette dernière nouvelle nous fut très agréable, nous crumes tenir déja le Galion, et d’une manière bien plus avantageuse pour nous qu’avant son arrivée : Sa Cargaison ne nous eût pas été aussi profitable que l’argent que sa vente avoit produit : une grande partie nous en eût été inutile, nous n’aurions pu nulle part la vendre à si haut prix qu’elle l’avoit été à Acapulco.

Nous vimes donc renaitre pour la seconde fois notre attente et nos espérances ; et de jour en jour nous nous confirmions dans l’idée que ce Galion étoit la plus riche Prise qu’on pût trouver dans aucun lieu du Monde. Tous nos projets pendant le reste de notre Voyage étant relatifs à ce Vaisseau presque aussi fameux que celui des Argonautes, et le Commerce qui se fait entre Manille et le Mexique par le moyen de ce Galion étant peut-être le plus lucratif qui se fasse, eu égard à son peu d’étendue, j’ai cru devoir employer le Chapitre suivant à en donner à mes Lecteurs l’idée la plus juste qu’il me sera possible. Le sujet est intéressant pour le Public, et aucun des Auteurs qui ont écrit en notre Langue n’a eu autant d’occasion que moi de se mettre au fait de ce Commerce.