Page:Wanda - La femme au doigt coupé, 1886.djvu/11

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fourchette en fer et se mit en devoir de rôtir sa viande devant l’énorme feu qui flambait dans le poêle.

Quatre ou cinq hommes étaient là, les uns assis sur des bûches, d’autres sur des sacs ou des paquets de cordes ; d’autres se préparaient à s’étendre par terre et à y faire un somme. Cependant Ben, jugeant que sa viande était cuite à point, se mit en devoir de s’installer dans un coin, pour y dévorer son repas, quand une voix tonnante lui fit tourner la tête.

— Allons ! à manger, hein ! et tout ce qu’il y a de bon ! criait la voix. Du vin, de la bière et le reste ! Et vite, camarade, je suis pressé !

Ben vit, alors, entrer dans la pièce, un homme d’une haute stature, large d’encolure, des pieds énormes, et des mains, ah ! mais des mains, de larges mains velues à vous renverser d’un soufflet ! Une tête assez forte couronnait ce solide édifice ; une chevelure ébouriffée et incolore, des yeux gris, faux et méchants, quant au costume, il n’avait rien d’extraordinaire ; un pantalon, une jaquette et un paletot orné de boutons en bronze.

— Sapristi, dit Ben, qui examinait l’individu, en v’là un avec qui je n’aimerais pas à me battre ! Quel gaillard ! Et ses mains ! sont-elles formées, en dessus, et du vrai poil ! C’est commode, pas besoin de gants ! Tiens, il a une jolie cicatrice à la main ! II a une vilaine tête cet homme, et puis pourquoi ce souper luxueux ? Ses habits n’annoncent pas un fils de famille, cependant.

Tout en mangeant, Ben continuait son monologue et s’intéressait, malgré lui, à cet homme étrange. Le crime du soir lui revenait en tête. Enfin, quand il eut fini son souper, il décida dans sa haute sagesse, qu’il allait suivre cet individu.

Au bout de quelques instants, Ben, voyant que l’homme s’apprêtait à sortir, s’en alla le premier, afin de ne pas éveiller son attention, et s’embusqua derrière la première porte cochère. Il n’attendit pas longtemps. Quelques minutes à peine s’étaient écoulées, qu’un pas pesant résonna sur le trottoir. C’était l’inconnu qui sortait, Ben se mit aussitôt en devoir de le suivre.