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La femme, les enfants se mirent à crier, et les gendarmes dehors, sur le point de partir, remirent pied à terre.

Le brigadier rentra dans la salle, en demandant d’un ton rude :

« Qu’est-ce qui se passe donc ici ?

— Empoignez-moi ce misérable Français, qui se, permet d’insulter un fonctionnaire de Sa Majesté l’empereur Guillaume, s’écria le bandit en me secouant. Je suis fonctionnaire… Voici ma commission d’instituteur dans ce village… Je suis ici chez moi ! »

Il montrait sa lettre, signée « Bismarck Bohlen ». Cette lettre renfermait sa nomination d’instituteur aux Trois-Fontaines, et c’est moi, par ma bonté, en attestant qu’il était impotent, c’est moi qui l’avais aidé à se glisser dans ma place.

Le brigadier allait me saisir, quand, indigné de voir une trahison pareille, je m’écriai :

« Brigadier, moi je vous requiers d’arrêter cet homme, trompette aux hussards bleus de Krappenfels, ce lâche quj fait le malade depuis deux mois…

— C’est faux ! cria le bandit d’un air furieux, c’est un mensonge abominable ; ce maître d’école m’en veut, parce que je suis nommé à sa place. J’ai été laissé ici par le brave colonel baron fon Krappenfels ; j’avais les pieds, les oreilles et le nez gelés. Cet homme, ce Français, a lui-même certifié il n’y a pas quinze jours que j’étais incapable de remonter à cheval.

— Est ce vrai ? demanda le brigadier en me regardant de travers.

— Oui, c’est vrai ; mais…

— Taisez-vous ! fit-il en me donnant une bourrade qui me coupa la respiration. Si je n’étais pas chargé d’un service de dépêches, je vous arrêterais tout de suite, pour insulte grave envers un fonctionnaire de Sa Majesté impériale, dans son propre domicile ; mais vous ne perdrez rien pour attendre. »