Page:Weil - La Pesanteur et la Grâce, 1948.djvu/182

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cette attention s’ils se produisaient et que, réciproquement, cette attention rend impossibles.

Dès qu’on a un point d’éternité dans l’âme, on n’a rien de plus à faire que de le préserver, car il s’accroît de lui-même, comme une graine. Il faut maintenir autour de lui une garde armée, immobile, et la nourrir de la contemplation des nombres, des rapports fixes et rigoureux.

On nourrit l’invariant qui est dans l’âme par la contemplation de l’invariant qui est dans le corps.

On écrit comme on accouche ; on ne peut pas s’empêcher de faire l’effort suprême. Mais on agit aussi de même. Je n’ai pas à craindre de ne pas faire l’effort suprême. À condition seulement de ne pas me mentir et de faire attention.

Le poète produit le beau par l’attention fixée sur du réel. De même l’acte d’amour. Savoir que cet homme, qui a faim et soif, existe vraiment autant que moi — cela suffit, le reste suit de lui-même.

Les valeurs authentiques et pures de vrai, de beau et de bien dans l’activité d’un être humain se produisent par un seul et même acte, une certaine application à l’objet de la plénitude de l’attention.

L’enseignement ne devrait avoir pour fin que de préparer la possibilité d’un tel acte par l’exercice de l’attention.

Tous les autres avantages de l’instruction sont sans intérêt.