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vement descendant n’est-il pas la clef de tout art[1] ?

Le mouvement descendant, miroir de la grâce, est l’essence de toute musique. Le reste sert seulement à l’enchâsser.

La montée des notes est montée purement sensible. La descente est à la fois descente sensible et montée spirituelle. C’est là le paradis que tout être désire ; que la pente de la nature fasse monter vers le bien.

En tout ce qui suscite chez nous le sentiment pur et authentique du beau, il y a réellement présence de Dieu. Il y a comme une espèce d’incarnation de Dieu dans le monde, dont la beauté est la marque.

Le beau est la preuve expérimentale que l’incarnation est possible.

Dès lors tout art de premier ordre est par essence religieux. (C’est ce qu’on ne sait plus aujourd’hui.) Une mélodie grégorienne témoigne autant que la mort d’un martyr.

Si le beau est présence réelle de Dieu dans la matière, si le contact avec le beau est au plein sens du mot un sacrement, comment y a-t-il tant d’esthètes pervers ? Néron. Cela ressemble-t-il à la faim des amateurs de messes noires pour les hosties consacrées ? Ou bien, plus probablement,

  1. Descendit ad inferos De même, dans un autre ordre, le grand art rachète la pesanteur en l’épousant par amour. (Note de l’Éditeur).