Page:Wharton - Sous la neige, 1923.djvu/30

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tant bien y être rendus pour le repas du soir. Mais au coucher du soleil les nuages s’amoncelèrent à nouveau, hâtant la tombée de la nuit. Drue et ininterrompue, la neige descendait d’un ciel sans vent. Nous avancions à travers une molle brume blanchâtre universellement étendue et plus paralysante que les rafales et les tourbillons du matin.

Le faible rayon de notre lanterne fut bientôt noyé. La neige se confondait avec l’obscurité grandissante : on eût dit les couches successives de la nuit d’hiver s’abaissant lentement sur nos épaules. Le sens topographique de Frome, l’instinct même du cheval, tout devint inutile. À deux ou trois reprises, un vieux chêne isolé ou un moulin à vent immobile surgit devant nous comme un fantôme, pour nous signaler le danger ; mais presque aussitôt le brouillard l’engloutissait à nouveau… Lorsque nous fûmes enfin rentrés dans le bon chemin, la pauvre vieille bête se mit à donner des signes d’épuisement

Je me rendis compte alors de la légèreté avec laquelle j’avais accepté l’offre de Frome, et après un court débat je finis par obtenir qu’il me laissât descendre du traîneau. Je pataugeai dans la neige à côté du cheval fourbu pendant deux ou trois milles ; puis mon conducteur me désigna un point dans les ténèbres :