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ESCALADES DANS LES ALPES.

Ce dernier passage fut découvert accidentellement. M. Tuckett partit avec l’intention de tenter l’ascension de la Pointe des Écrins, mais les circonstances ne lui furent pas favorables, ainsi qu’il l’a raconté lui-même :

« Arrivés sur le plateau (du glacier de l’Encula) les Écrins nous apparurent tout à coup, dit-il, sous l’aspect le plus saisissant ; et un examen rapide nous encouragea dans l’espérance que l’ascension pouvait en être praticable. Comme je l’ai déjà expliqué, ce pic présente, du côté de la Bérarde et du glacier Noir, les parois les plus escarpées et les plus inaccessibles que l’on puisse imaginer ; mais les pentes sont moins rapides dans la direction du glacier de l’Encula, nom sous lequel la carte française désigne le plateau supérieur du glacier Blanc, les pentes sont moins raides, et d’immenses masses de névé ou des séracs couvrent la montagne presque jusqu’à son sommet.

« La neige était très-défavorable, et, comme nous y enfoncions à chaque pas jusqu’au genou, la réalisation de nos espérances devenait évidemment très-douteuse. À mesure que nous avancions, nous découvrions des traces d’avalanches fraîches. Après une mûre délibération et un examen approfondi fait avec le télescope, nous décidâmes que les chances de succès étaient trop faibles pour perdre notre temps à continuer notre tentative…

« En examinant la carte, je m’aperçus que le glacier que l’on découvrait à l’ouest au delà de la brèche (la chaîne qui s’étend entre la Roche Faurio et les Écrins), à une grande profondeur au-dessous, devait être celui de la Bonne-Pierre. Si l’on pouvait descendre au point où il prend son origine, on trouverait probablement un passage pour gagner la Bérarde. Je proposai donc à Croz et à Pernn de renoncer à notre ascension projetée des Écrins — que l’état de la neige rendait impossible — et d’utiliser notre expédition en faisant la découverte d’un nouveau col, découverte aussi intéressante qu’importante. Tous deux y consentirent de grand cœur, et, en quelques minutes, Pernn, planté sur le bord de l’arête, y taillait des