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CHAPITRE II.

perspectives étendues y sont-elles rares, et il est difficile de s’y former une idée générale de la disposition des principaux pics.

Les sommets les plus élevés forment presque un fer à cheval. Le plus haut de tous, celui qui occupe une position centrale, est la Pointe des Écrins ; le second pour la hauteur, la Meije[1], est situé au nord ; et le mont Pelvoux, qui donne son nom au massif tout entier, se dresse sur la limite extérieure, presque entièrement isolé.

Cette contrée est encore très-imparfaitement connue ; il y a là probablement beaucoup de vallées et certainement plus d’une sommité qui n’ont jamais été foulées par le pied des touristes ou des voyageurs, mais en 1861 elle était encore moins connue qu’aujourd’hui. Jusqu’à ces dernières années, il n’en existait en réalité aucune carte[2] : celle du général Bourcet, la meilleure qui eût été publiée, étant complètement inexacte sur la forme des montagnes, et très-souvent incorrecte quant aux sentiers ou aux routes.

En outre, les touristes ne trouvent dans les régions montagneuses du Dauphiné aucune des ressources qu’ils rencontrent en Suisse, dans le Tyrol, ou même dans les vallées italiennes. Les auberges, quand elles existent, sont d’une malpropreté indescriptible ; on parvient rarement à dormir dans leurs lits, et leur cuisine ne fournit pas souvent une nourriture convenable ; de guides, il n’en existe aucun. Les touristes y étant presque abandonnés à leurs propres ressources, doit-on donc s’étonner que ces régions si intéressantes de la France soient moins visitées et moins connues que le reste des Alpes ?

La plupart des renseignements que l’on pouvait se procurer en 1861 sur les Alpes Dauphinoises provenaient de deux au-

  1. Quelquefois appelée l’Aiguille de la Grave, ou l’Aiguille de la Medge.
  2. On doit excepter la carte des Alpes du Dauphiné dans le Guide des Alpes occidentales de Ball et celle de l’Itinéraire du Dauphiné par Ad. Joanne (toutes deux gravées d’après les feuilles de la carte de France, qui ne sont pas publiées). Ces cartes sont cependant sur une trop petite échelle pour être utiles à des ascensionnistes.