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CHAPITRE XI.

commises ; personne même n’ignorait que le Mont-Blanc lui-même était représenté de la façon la plus ridiculement inexacte sous toutes ses faces, excepté du côté septentrional ; et, cependant, qui se doutait, à l’époque dont je parle, que des erreurs de 300 mètres avaient été commises dans la détermination des hauteurs à chaque extrémité de la chaîne ; que les dimensions de quelques glaciers avaient été doublées, et même que des montagnes et des arêtes qui n’existaient pas étaient indiquées sur les cartes ?

Une seule partie de la chaîne totale avait été jusqu’alors mesurée avec quelque exactitude. Cette carte n’avait pas été dressée, comme on aurait pu s’y attendre, sous la direction d’un gouvernement ; elle était due à un particulier, au De Saussure anglais, feu J. D. Forbes. En 1842, il « fit un relevé spécial de la Mer de Glace de Chamonix et de ses tributaires, et, pendant les années suivantes, il l’agrandit par de nouvelles observations au point d’y comprendre le glacier des Bossons. » La carte publiée d’après son travail était digne de son auteur ; à peine les explorations postérieures des régions qu’il avait étudiées firent-elles découvrir plus tard dans son œuvre quelques inexactitudes insignifiantes.

La contrée dont Forbes avait dressé la carte resta, jusqu’en 1862, comme un point brillant dans une région où tout n’était qu’obscurité. De louables tentatives furent faites de différents côtés pour répandre quelques rayons de lumière au milieu de ces ténèbres ; mais ces efforts, demeurés infructueux, ne servirent qu’à montrer quelle somme de travail peut être dépensée inutilement par des observateurs isolés, quand ils n’obéissent pas à une seule impulsion.

En 1861 parut la feuille XXII de la carte de Suisse par Dufour. Elle comprenait la section de la chaîne du Mont-Blanc qui appartenait à la Suisse ; cette partie de la feuille était exécutée avec l’admirable fidélité et la perfection qui caractérise l’œuvre, unique en son genre, de Dufour. Le reste de la chaîne (environ les quatre cinquièmes de la totalité) avait été gravé d’après les indications des topographes antérieurs ; aussi le contraste