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ESCALADES DANS LES ALPES.

dix-sept kilomètres de distance, se montre Briançon avec ses interminables forts ; au premier plan, des champs fertiles, parsemés de villages et de clochers, descendent vers la Guisanne, pour remonter à une grande hauteur sur le versant opposé des montagnes.

Le jour suivant, j’allai de Briançon à la Bessée pour y retrouver mon digne ami Jean Reynaud, qui était agent voyer du canton.

De la Bessée on voit parfaitement tous les pics du mont Pelvoux, le point culminant aussi bien que celui sur lequel les ingénieurs avaient érigé leur pyramide. Ni Reynaud ni personne n’en était instruit. Quelques paysans se rappelaient seulement que les ingénieurs avaient fait l’ascension d’un pic d’où ils avaient aperçu un point plus élevé, qu’ils avaient appelé la Pointe des Arcines ou des Écrins. Ils ignoraient si ce dernier pic pouvait être vu de la Bessée, et ne savaient pas désigner celui sur lequel la pyramide avait été élevée. Dans notre opinion, les pics que nous voyions nous cachaient le sommet le plus élevé, et, pour l’atteindre, il nous fallait d’abord les escalader. L’ascension de M. Puiseux était complétement inconnue des paysans, et, à les en croire, le point culminant du Pelvoux n’avait été gravi par personne. C’était justement ce point que nous voulions atteindre.

Rien ne nous empêchait plus de partir, si ce n’est l’absence de Macdonald et le manque d’un bâton. Reynaud nous proposa de faire une visite au maître de poste, qui possédait un bâton célèbre dans la localité. Nous descendîmes au bureau, mais il était fermé ; nous appelâmes à grands cris à travers les fentes de la porte : point de réponse. À la fin cependant nous trouvâmes le maître de poste, au moment où il s’efforçait, avec un remarquable succès, de se griser. À peine était-il capable de s’écrier : « La France ! c’est la première nation du monde ! » phrase favorite du Français quand il est dans cet état où l’An-


    il faut traverser le col du Galibier ; du côté sud de ce passage, le mont Viso est visible pendant très-peu de temps.