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ESCALADES DANS LES ALPES.

prouvé, mais la figure 1 de cette page le démontre encore plus clairement, Cette disposition des couches, on le comprendra d’un coup d’œil, n’est guère favorable aux grimpeurs. Quand les rochers sont ainsi inclinés, ils sont plus ou moins faciles à escalader, selon le nombre plus ou moins
Fig. 1.
grand de leurs fissures et de leurs aspérités. Si les rochers de l’arête du sud-ouest n’étaient pas suffisamment crevassés, leur inclinaison extérieure les rendrait absolument inaccessibles[1].

Il est impossible de monter une seule fois sur les rochers de l’arête du sud-ouest, du col du Lion au pied de la Grande Tour, sans remarquer combien ils sont en général inclinés en dehors et comme
Fig. 2.
leurs bords échancrés tendent constamment à surplomber. Aussi les débris des roches désagrégées par la gelée ne restent-ils pas in situ, mais tombent-ils en pluie sur les rochers environnants. Chaque jour l’arête est balayée complétement ; on ne voit presque jamais, quand on la gravit, que le roc solide[2].

Depuis fort longtemps déjà on avait remarqué que le Cervin est formé d’une série de couches stratifiées. De Saussure l’avait fort bien observé, et il a constaté très-explicitement dans ses Voyages (§ 2243) que ces couches « se relevaient dans la direction du nord-est avec une inclinaison d’environ quarante-cinq degrés. » Forbes aussi avait remarqué ce fait ; mais, dans

  1. Le granit qui a été longtemps exposé à l’air est une des espèces de roches les plus faciles à gravir ; son grain retient les clous des chaussures et offre au pied un appui très-solide. Mais les schistes métamorphiques qui composent la masse principale du grand pic du Cervin n’offrent aucune sécurité au touriste.
  2. Il n’est ici question que de la partie de l’arête située entre le col du Lion et la Grande Tour. Ces observations ne sauraient s’appliquer aux rochers qui la dominent (v. p. 121) ; au-dessus de ces derniers, la roche redevient solide ; sur « l’Épaule » (c’est-à-dire toujours plus haut), elle est très-désagrégée ; mais, sur le pic qui forme le sommet, elle est compacte et solide.