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CHAPITRE XIX.

gauche, afin d’éviter la plus élevée de ses deux formidables cascades de glace ; après avoir descendu à la hauteur nécessaire sur une couche de neige ancienne, située entre le glacier et les rochers qui le bordent, nous traversâmes le plateau du glacier en ligne directe pour gagner son versant droit, entre les deux chutes de glaces[1]. Nous atteignîmes le bord droit sans difficulté et nous trouvâmes de nombreuses couches de neige dure (débris d’avalanches), sur lesquelles nous descendîmes en courant ou en glissant aussi vite que nous le voulions.

Descendre en glissant est un passe-temps fort agréable quand on peut s’y livrer sans danger, et la vallée de neige située sur le versant droit du glacier de Triolet est l’endroit le plus favorable à cet exercice que j’aie jamais rencontré. Dans mes rêves, je glisse délicieusement ; mais, dans la pratique, je suis poursuivi par l’idée que la neige ne sera pas toujours facile et que mon alpenstock viendra se loger entre mes jambes, qui prennent alors la place que devait occuper ma tête, et soudain je vois le ciel passer devant mes yeux avec une effrayante rapidité ; la neige s’amoncelle, m’enveloppe ; nous glissons de concert jusqu’à ce qu’un choc violent nous arrête. Mes compagnons prétendent que je fais la culbute, et ils ont peut-être raison ; la rencontre d’un banc de glace ou d’une pierre cause plus d’une chute dans les glissades : aussi est-il plus prudent de ne descendre en glissant que lorsqu’on est sûr de tomber mollement sur la neige[2].

  1. Le glacier est complétement couvert de débris de rochers au-dessous de la seconde chute de glace ; si l’on en suit le côté gauche, on est obligé, ou de traverser ces moraines, ou de perdre beaucoup de temps sur les rochers ennuyeux et même difficiles du Mont-Rouge.
  2. Quand on descend en glissant, il faut se tenir aussi droit que possible, en