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ESCALADES DANS LES ALPES.

pic, la vue que l’on découvre de son sommet m’inspire la plus sérieuse admiration. C’est un des points les mieux situés pour saisir l’ensemble des Alpes Pennines. On n’aperçoit que des montagnes. L’aspect de ce panorama est solennel, triste peut-être, mais à coup sûr grandiose. Vu de ce belvédère, en avant de la chaîne majestueuse du Mont-Blanc, le Grand Combin paraît plus important que de toute autre sommité. Dans la direction opposée, le Cervin domine tous les pics qui l’environnent. Quoique plus rapprochée, la Dent d’Hérens semble un simple contre-fort de son gigantesque voisin, dont les neiges du Mont-Rose paraissent uniquement destinées à faire ressortir les sombres escarpements. Au sud s’étend la série infinie des Bec et des Becca dominées par les grands pics italiens, tandis qu’au nord le Mont-Pleureur (3706 mètres) rivalise avec le Wildstrubel, qui est plus éloigné.

À 9 heures 15 minutes, nous avions atteint le sommet[1] où nous fîmes une halte d’une heure et demie. Mes fidèles guides m’avertirent alors que Prarayen, où nous devions aller coucher, était encore fort éloigné, et qu’il nous restait deux chaînes élevées à franchir. Il nous fallut donc nous décider à partir, après avoir érigé un énorme cairn avec les blocs de gneiss qui parsèment la cime de la montagne. Nous descendîmes à grands pas les flancs de la Ruinette, et, le glacier de Breney traversé, nous franchîmes un col qui mérite à peine un nom et qu’on peut appeler le col des Portons, à cause des pics voisins. De là nous nous dirigeâmes vers le col d’Ollen par le grand glacier d’Otemma.

La partie de ce glacier que nous avions à traverser était recouverte d’une couche de neige qui dissimulait complétement ses nombreuses et perfides crevasses. Nous marchions prudemment à la file et bien attachés à la corde. Tout à coup Almer

  1. Après la traversée du glacier de Breney, nous nous élevâmes sur des débris, puis, par des rochers assez escarpés, jusqu’au glacier qui entoure au sud la base du pic ; nous nous portâmes alors à gauche (c’est-à-dire à l’ouest) et nous gagnâmes le bord du glacier ; de là, nous primes l’arête qui descend vers le sud-ouest, et nous la suivîmes jusqu’au sommet.