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CHAPITRE XXI.


Nous étions arrivés alors à la base de cette partie du Cervin qui, vue du Riffelberg ou de Zermatt, paraît être absolument à pic et même surplomber la vallée ; il nous fut donc impossible de continuer à monter par le versant oriental. Nous dûmes pendant quelque temps gravir, en suivant la neige, l’arête qui descend vers Zermatt ; puis, d’un commun accord, nous revînmes vers la droite, c’est-à-dire au versant septentrional de la montagne. Nous avions alors opéré un changement dans l’ordre de la marche. Croz avait pris la tête de la colonne ; je le suivais ; Hudson venait en troisième ; Hadow et le vieux Pierre formaient l’arrière-garde. « Maintenant, dit Croz en se mettant en marche, ce sera bien différent. » À mesure que les difficultés augmentaient, les plus grandes précautions devenaient nécessaires. En certains endroits, on trouvait à peine un point d’appui, il était donc prudent de placer en tête ceux dont le pied était le plus solide. L’inclinaison générale de ce versant n’atteignait pas 40 degrés ; la neige, en s’y accumulant, avait rempli les interstices des rochers : les rares fragments qui en perçaient çà et là la surface étaient parfois recouverts d’une mince couche de glace formée par la neige qui s’était fondue et qui avait gelé presque aussitôt. C’était, sur une plus petite échelle, la contre-partie des 215 mètres qui terminent le sommet de la Pointe des Écrins, avec cette différence essentielle, cependant, que le versant des Écrins avait une inclinaison de plus de 50 degrés, tandis que celle du Cervin n’atteignait pas 40 degrés[1].

Ce passage n’offrait aucun danger à un montagnard exercé. M. Hudson, comme dans tout le reste de l’ascension, n’y

    que celui de la rive droite n’est alimenté que par des pentes parfaitement insignifiantes. La faible largeur de ces deux moraines prouve qu’il ne tombe pas une grande quantité de pierres de la face orientale ; l’inclinaison intérieure de ces couches retient les détritus en place. Aussi la face orientale paraît-elle subir une décomposition plus rapide que les autres versants ; en réalité, les ruines qui la recouvrent, en arrêtent, en quelque sorte, la destruction. Sur la face méridionale, les rochers tombent à mesure qu’ils se détachent. L’œuvre de chaque jour est liquidée chaque jour, et les parties dénudées de la montagne sont exposées à de nouvelles attaques.

  1. Cette partie de la montagne était moins escarpée et moins inclinée que l’ensemble du versant oriental.