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CHAPITRE XXII.

de Buhl, et de là à Zermatt. Seiler, que je rencontrai à sa porte, me suivit en silence dans ma chambre.

« Qu’est-il donc arrivé, monsieur ? me demanda-t-il.

— Je suis revenu avec les Taugwalder. »

Il me comprit et se mit à fondre en larmes, puis, sans perdre un instant en lamentations inutiles, il courut réveiller tout le
M. Alexandre Seiler.
village. En peu de temps, une vingtaine d’hommes étaient rassemblés pour monter sur les hauteurs du Hohlicht, au-dessus de Kalbermatt et de Z’Mutt, hauteurs qui commandent le glacier du Cervin. Six heures après, ils étaient de retour, nous apprenant qu’ils avaient aperçu les corps de nos malheureux amis, gisant immobiles sur la neige. C’était le samedi. Ils nous proposèrent de partir le dimanche soir, de manière à atteindre le plateau du glacier le lundi à l’aube du jour. Ne voulant négliger aucune chance, même la plus légère, nous résolûmes, le Rév. J. M. Cormick et moi, de partir dès le dimanche matin. Les guides de Zermatt n’osèrent nous accompagner, parce que leurs prêtres les menacèrent d’excommunication s’ils n’assistaient pas à la première messe. Ce fut pour plusieurs d’entre eux une dure épreuve ; Pierre Perrn déclara même, les larmes aux yeux, que cette défense seule pouvait l’empêcher de se joindre à nous pour aller à la recherche de ses anciens camarades. Mais nos compatriotes vinrent à notre aide. Le Rév. J. Robertson et M. Phillpotts voulurent nous accompagner avec leur guide Franz Andermatten[1] ; un autre Anglais nous prêta Joseph-Marie et Alexandre Lochmatter. Frédéric Payot et Jean Tairraz, de Chamonix, s’offrirent à nous comme volontaires.

Nous partîmes donc le dimanche 16, à deux heures du matin, et nous suivîmes jusqu’au Hörnli la même route que nous avions prise le jeudi précédent. De la, nous descendîmes à

  1. Voir son portrait dans la gravure de la page 285.